
L’angoisse de la page blanche
Résumé : Les mésaventures d’un auteur face à lui-même. Comment dépasser la paralysie du premier mot pour aboutir à une histoire.

Au centre de l’écran, une page blanche, sur laquelle clignotait un curseur accusateur. Cela faisait des heures qu’il attendait.
Soudain, dans un tourbillon de touches, les premiers mots ; Des mots plats et bancals qui devenaient des phrases sans envergures d’où fleurissaient de vilaines fautes d’orthographes. Le tout faisait un paragraphe informe qui rampait à travers le blanc, suppliant qu’on abrège ses souffrances. Il fut exaucé par un doigt vengeur qui appuya sur la touche Retour arrière jusqu’à ce la page redevienne vide et qu’il ne reste que le curseur accusateur.
C’était tellement plus facile quand l’écrivain, libre de sa machine, loin de tout stylo, vaquait à ses occupations. Les idées se bousculaient, bruyantes. Elles réclamaient son attention, lui contaient des histoires héroïques, de crimes à résoudre, de secrets de famille, de créatures surnaturelles prises dans des quêtes ancestrales… S’il fermait les yeux, il pouvait voir un duel à l’épée au bord d’un précipice, sentir l’air chaud chargé d’effluves exotiques, toucher le cœur de l’énigme. Dans son imagination, les mots ployaient, se rangeaient dociles sur des centaines de page pour atteindre la Fin.
Alors l’écrivain cédait. Il s’installait à son bureau, prêt à se lancer dans l’aventure, seulement pour voir les idées s’enfuir, nerveuses comme des animaux sauvages et le laisser seul face au curseur accusateur.
Une page blanche symbolisait le renouveau, mais pour l’écrivain c’était l’ennemi à abattre. Une peur vertigineuse qu’il fallait dompter au risque de se laisser engloutir.
Dans les bons jours, l’écrivain restait visser à son siège, ignorant toutes distractions, pour couvrir le blanc de noir. Sous ses doigts, les lettres formaient des mots, qui devenaient des phrases et quelques perles émergeaient de la masse. Pendant un instant d’harmonie, les étoiles s’alignaient, les muses se penchaient par-dessus son épaule et les personnages acceptaient enfin de suivre ses ordres. Bien sûr, le résultat n’était jamais un chef d’œuvre. Il y aurait des semaines de coupes profondes, de tailles prudentes et de polissages précis pour obtenir un semblant d’histoire, mais la victoire restait douce.
Aujourd’hui n’était pas un bon jour.
Le curseur moqueur, dansait sur la page blanche, l’appelait à prouver sa valeur, le mettait au défi de l’apprivoiser.
L’écrivain avait autour de lui les livres de plusieurs dizaines d’autres écrivains plus grands et plus courageux que lui. Face à ses illustres prédécesseurs, qui avaient su amener leurs idées à des sommets qu’il ne faisait qu’imaginer, ses phrases paraissaient ternes et ses idées triviales. Plutôt que d’affronter la réalité et de tester ses limites, il se laissait submerger par l’ampleur de la tâche.
Bientôt il serait emporté par l’océan de blanc, digéré par les phrases abandonnées –les clichés, les dialogues qui sonnaient faux, les personnages trop parfaits- et recraché par ses muses capricieuses. Alors, vaincu, il ne lui resterait plus qu’à retourner à ses occupations.
Ce ne serait que bien plus tard, alors qu’il poserait la tête sur l’oreiller, qu’une idée viendrait le narguer.

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